Le rôle de l’hydrogène dans l’énergie du futur : avantages et limites d’un défi écologique
20/12/2023 – Blog, Tout sur les batteries au lithium
Il existe dans la nature un élément très léger qui permet aux étoiles de briller et au soleil de conserver sa lumière. Cet élément est aujourd’hui considéré comme l’un des principaux alliés de la décarbonation selon les objectifs européens qui prévoient d’atteindre zéro émission d’ici 2050.
Il s’agit de l’hydrogène, un gaz incolore et inodore, l’un des éléments les plus légers et abondants qui composent la matière.
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Découvrons-en plus sur le vecteur hydrogène, auquel beaucoup font confiance pour faire face à la crise climatique, et analysons ensemble les avantages et les principaux défis liés à sa diffusion.
L’hydrogène fait partie des éléments les plus simples et les plus abondants de la planète et du système solaire : il représente presque 90 % de la masse visible de l’univers, principalement sous sa forme gazeuse.
La caractéristique qui en fait une alternative concrète en tant que combustible propre est le fait qu’en se combinant avec l’oxygène pendant la combustion, il rejette uniquement de la vapeur d’eau. En effet, qu’il soit utilisé dans des moteurs thermiques ou dans des piles à combustible, c’est le seul combustible qui ne produise pas d’émissions polluantes, mais seulement de l’eau. Voilà ce qui distingue grandement l’hydrogène des hydrocarbures. En effet, composés d’hydrogène et de carbone, ces derniers produisent du dioxyde de carbone ainsi que d’autres gaz nocifs pour la santé humaine et l’environnement lorsqu’ils sont combinés avec l’oxygène pendant l’utilisation.
Néanmoins, sur terre, il est rare de trouver cet élément seul, à l’état libre et moléculaire (H2), dans la nature, car il est présent presque exclusivement en combinaison avec d’autres éléments, comme dans l’eau (H2O) ou dans les hydrocarbures, composés d’hydrogène et de carbone (par ex. : le méthane [CH4]). De plus, s’agissant d’un gaz très réactif au contact de l’air, il est difficile de trouver des sources naturelles d’hydrogène pur à la surface de la Terre.
Ainsi, pour produire de l’hydrogène, il faut le séparer des éléments avec lesquels il est combiné en utilisant une énergie permettant de procéder au processus de séparation. Étant donné que cet élément n’existe pas seul dans la nature et qu’il faut utiliser un autre type d’énergie pour le produire, l’hydrogène est considéré comme un vecteur d’énergie capable d’accumuler puis de transférer de l’énergie.
Bien que l’hydrogène constitue une énergie propre au moment de son utilisation, sa production n’est pas sans impact sur la planète. Il existe actuellement différents modes de production de l’hydrogène, qui n’ont pas tous les mêmes conséquences sur l’environnement : en effet, certains produisent plus d’émissions que d’autres.
Bien que ce gaz soit toujours incolore, les modes de production de l’hydrogène sont associés par convention à différentes couleurs, qui en classent le niveau d’impact environnemental.
À ce jour, quatre couleurs d’hydrogène principales ont été identifiées, en fonction du processus de production utilisé:
On trouve l’hydrogène dit « blanc » dans des gisements naturels présents dans les profondeurs de la croûte terrestre. Néanmoins, ces derniers ne suffisent pas à répondre au besoin mondial de cette technologie. Dans ce cas, l’ impact environnemental de cet élement est dû aux méthodes invasives et coûteuses utilisées pour son extraction .
L’« hydrogène gris » est obtenu via le processus de vaporeformage du méthane ou d’autres hydrocarbures . Cette procédure exploite la réaction entre la vapeur et le méthane à très haute température pour créer de l’hydrogène. Actuellement, cette méthode est utilisée pour produire environ 48 % de l’hydrogène mondial. Il s’agit d’une réaction chimique qui produit du dioxyde de carbone (CO2), rejetant en moyenne dans l’atmosphère plus de 9 kg de CO2 pour chaque kilogramme d’hydrogène produit.
Un processus de production similaire a également lieu à partir d’autres combustibles fossiles, comme le carbone, dans le cas de l’hydrogène brun. Il s’agit d’un processus bien établi et largement diffusé qui, pourtant, produit une quantité d’émissions de CO2 encore plus élevée : environ 20 kg de CO2 pour chaque kilogramme d’hydrogène produit.
Le processus de production de l’« hydrogène bleu » est le même que pour l’hydrogène gris mais avec une différence majeure : une partie des émissions de CO2 produites pendant le processus sont piégées et stockées, et ne sont pas directement rejetées dans l’atmosphère.
L’ «hydrogène vert » représente la méthode de production ayant le plus faible impact environnemental. Lors de ce processus de production, l’hydrogène est obtenu par l’ électrolyse de l’eau, c’est-à-dire que l’on utilise de l’électricité pour séparer l’hydrogène et l’oxygène, les deux éléments qui composent l’eau (H2O). Cette opération est réalisée avec un électrolyseur qui, lorsqu’il est alimenté par des sources d’énergie renouvelable, a pour résultat de produire de l’ihydrogène sans générer aucune émission.
Aujourd’hui, l’hydrogène vert est considéré comme une option concrète pour la décarbonation et, notamment en raison de son grand potentiel et de son faible impact environnemental généré par sa combustion, il a été identifié par l’Union européenne comme étant un élément clé pour la réduction des émissions de CO2 établie par le pacte vert pour l’Europe d’ici 2050. À cet égard, l’UE, très attentive au parcours menant à la neutralité carbone (en effet, en 2022, elle a déjà rigoureusement réglementé le secteur des batteries), a présenté une stratégie spécifique pour encourager l’utilisation de l’hydrogène vert dans tous les États membres, afin d’accélérer la production d’hydrogène vert à partir de ressources renouvelables.
Selon le dernier rapport de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), aujourd’hui, environ 75 millions de tonnes d’hydrogène sont utilisées chaque année au sein de l’Union européenne, ce qui représente 2 % du mix énergétique total. Néanmoins, il est important de souligner que presque 95 % de la production de cet hydrogène est obtenue en utilisant des combustibles fossiles.
Ainsi, encourager l’utilisation exclusive d’hydrogène vert, produit à partir d’énergies renouvelables, pourrait jouer un rôle majeur dans la réduction des émissions atmosphériques en influençant positivement le parcours menant à la neutralité carbone d’ici 2050.
L’hydrogène est un gaz très réactif et inflammable, des caractéristiques qui nécessitent une attention et une réglementation particulières pendant les phases de production, de stockage et de transport.
Actuellement, nous ne bénéficions pas d’un réseau d’infrastructures adaptées pour pouvoir en garantir une distribution en toute sécurité, ce qui rend la diffusion de cette technologie nettement plus difficile à grande échelle. Dans un premier temps, on pourrait remédier à ce problème en utilisant les installations déjà existantes, ce qui permettrait d’utiliser l’hydrogène directement sur le lieu de production. Mais, à long terme, afin de pouvoir répondre de manière satisfaisante à la demande, il faudrait développer de nouveaux réseaux efficaces.
Le facteur prix ne peut pas non plus être négligé : en effet, des systèmes complexes et coûteux sont nécessaires pour utiliser l’hydrogène. Les installations de production d’hydrogène vert ne sont pas encore compétitives d’un point de vue économique par rapport aux installations traditionnelles, ce qui décourage la mise en place d’une production plus écologique.
Pour ce qui est des aspects techniques, la grande limite de l’hydrogène, aujourd’hui, est safaible efficacité. Une limite justifiée par le fait qu’obtenir de l’énergie à partir d’hydrogène entraîne une grande déperdition de cette énergie, surtout pendant les phases de production, de stockage, de transport et de conversion en énergie cinétique dans les véhicules.
Imaginons une ligne dont les extrémités représentent l’impact environnemental et l’efficacité énergétique : d’un côté se trouvent les combustibles fossiles (plus grand impact, plus faible efficacité) et, de l’autre, l’énergie électrique renouvelable avec utilisation directe ou stockage dans des batteries (plus faible impact, plus grande efficacité). L’hydrogène se situe au milieu de cette ligne, ce qui constitue un équilibre entre faible impact environnemental et faible efficacité. En raison de son faible impact environnemental, l’hydrogène vert obtenu à partir de sources d’énergie durable est celui qui se rapproche le plus de l’énergie électrique.
« L’énergie renouvelable a un coût, en particulier lors de la phase de production de technologies telles que les panneaux photovoltaïques ou les parcs éoliens. Jusqu’à ce que nous soyons totalement autonomes grâce aux sources renouvelables, il est essentiel de les utiliser à bon escient et de façon responsable, en évitant le gaspillage et en optimisant l’efficacité énergétique. Utiliser l’hydrogène vert dans les secteurs où les batteries pourraient satisfaire la demande n’est donc pas la solution idéale pour le moment. »
La faible efficacité de l’hydrogène en tant que vecteur d’énergie représente une question d’une grande importance dans le secteur de la mobilité, car elle en détermine directement la mise en place à grande échelle. Concrètement, l’efficacité énergétique globale d’un système à hydrogène est souvent inférieure à celle d’alternatives davantage établies, comme les véhicules électriques alimentés par des batteries.
Lorsqu’elles sont alimentées par batterie, les voitures utilisent directement l’énergie électrique provenant de la batterie elle-même. En revanche, quand l’hydrogène est utilisé comme vecteur, il n’est pas utilisé directement car il doit d’abord être transformé en énergie électrique afin d’alimenter le moteur.
Cette technologie, qui produit de l’électricité en utilisant l’hydrogène sous forme gazeuse pour alimenter un moteur électrique, porte le nom de piles à combustible. Lors de ce processus, l’énergie est convertie deux fois : la première pour produire de l’hydrogène et la deuxième pour recréer de l’énergie électrique. Ainsi, chaque étape entraîne des pertes d’efficacité : pendant la production d’hydrogène via l’électrolyse et, ensuite, pendant la phase de stockage et de transport. Enfin, une autre partie est perdue quand l’hydrogène est converti en électricité pour faire fonctionner le moteur.
La voiture à hydrogène atteint en moyenne une efficacité de seulement 25 % à 35 %. En revanche, dans un véhicule uniquement alimenté par batterie, les pourcentages sont totalement inversés : seulement une petite partie de l’énergie est perdue pendant le transport, avant d’être stockée, ce qui permet de parvenir à une efficacité globale pouvant atteindre jusqu’à 90 %.
Bien que les avantages environnementaux soient presque les mêmes, l’utilisation de l’hydrogène vert pour le transport routier léger s’avère aujourd’hui moins avantageuse que l’alimentation électrique. La disponibilité d’un vaste réseau de recharge et un coût de ravitaillement plus faible rendent la recharge électrique plus intéressante par rapport à un ravitaillement en hydrogène. De plus, les voitures électriques bénéficient de la présence d’infrastructures de transport et de distribution bien établies qui, dans le cas de l’hydrogène, doivent encore être mises en place.
Le défi du transport de l’hydrogène jusqu’aux stations de ravitaillement pour l’approvisionnement des véhicules constitue une autre difficulté. En effet, il s’agit d’un gaz difficile à manipuler en raison de sa faible densité énergétique, qui nécessite une compression à haute pression (de 350 à 700 bar) afin d’être stocké en quantités suffisantes pour alimenter une voiture.
L’hydrogène pourrait jouer un rôle clé dans le secteur des véhicules de transport lourds, comme le transport maritime ou l’aviation, qui doivent parcourir de très longues distances. Pour ces types d’application, il est impensable, aujourd’hui, d’envisager l’électrification par batteries, puisque celles-ci devraient être volumineuses et très lourdes, ce qui en empêcherait la réalisation.
L’hydrogène présente les avantages d’un système plus compact, avec des temps de ravitaillement rapides et permettant de parcourir de longues distances. Cet aspect est justifié par le fait que l’hydrogène est l’élément présentant la plus grande densité énergétique par unité de poids, ce qui le rend particulièrement adapté au transport sur longue distance et de marchandises lourdes.
De plus, quand la production d’énergie renouvelable sera surabondante, l’hydrogène pourrait apporter des avantages importants à un autre domaine d’application grâce à son rôle de vecteur d’énergie : celui du stockage saisonnier.
En effet, l’augmentation de la production d’énergie électrique à partir de sources renouvelables comme le soleil ou le vent implique le besoin de stocker l’énergie produite pendant les périodes de production élevée, afin de pouvoir l’utiliser le reste de l’année. Tandis que la variabilité quotidienne de la production solaire et éolienne peut être gérée via l’utilisation de batteries, la variabilité saisonnière pourra être comblée au moyen du stockage de l’hydrogène sous terre pendant l’été, afin de pouvoir l’utiliser pendant l’hiver, lorsque la production d’énergie solaire sera faible.
L’hydrogène représente une option concrète d’énergie propre et est considéré comme un vecteur d’énergie prometteur pour la mobilité durable, puisqu’il permet d’obtenir des véhicules à zéro émission ainsi qu’une solution pour réduire la dépendance aux combustibles fossiles. Néanmoins, malgré son potentiel, les défis qu’il doit relever sont encore nombreux. Nous pouvons par exemple citer la réduction des coûts de production, le développement d’infrastructures adaptées et la résolution de questions liées à la distribution et au stockage de l’hydrogène.
De plus, nous devons prendre en compte le fait que seul l’hydrogène vert, produit à partir de ressources renouvelables, constitue une véritable réponse à la réduction des émissions. En effet, lorsqu’elle n’est pas réalisée à partir de sources d’énergie propre, la production d’hydrogène coûte moins cher mais est polluante, avec un impact environnemental considérable.
D’un point de vue technologique, la faible efficacité énergétique représente un point négatif pour certains secteurs par rapport aux batteries. Par conséquent, il est essentiel de relever les défis liés à l’efficacité de l’hydrogène afin de garantir un rôle efficace et durable de cette technologie à l’avenir.
De plus, afin que l’hydrogène joue un rôle plus important dans la transition vers une énergie plus durable, il est fondamental d’admettre qu’il est essentiel d’améliorer la technologie associée aux piles à combustible. Actuellement, les piles à combustible présentent encore des obstacles importants, comme des coûts élevés, une faible efficacité et une durée de vie limitée : tous ces facteurs ont un impact négatif sur la facilité d’utilisation globale du système à hydrogène.
L’hydrogène vert apparaît donc comme une ressource énergétique prometteuse dans la transition vers un avenir durable et sa diffusion pourrait jouer un rôle fondamental dans l’alimentation de ces secteurs à haute intensité énergétique.Néanmoins, il restera une partie minoritaire du mix énergétique que nous pourrons utiliser en 2050, comme indiqué dans le rapport de l’ESA, l’Agence spatiale européenne qui, sur la base des données communiquées par l’Agence internationale de l’énergie, révèle que l’hydrogène représentera un faible pourcentage par rapport aux autres sources d’énergie à utiliser afin d’atteindre l’objectif zéro émission d’ici 2050.
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Source Fig. 1: Hydrogen and electric drive. Image prise sur le site web du Volskwagen en date 03/12/20. https://bit.ly/3RyTAro
Source Fig. 2: IEA Net Zero Scenario 2050. Image prise sur le site web de l’ Agence spatiale européenne le 20/12/23. https://bit.ly/41LOCfT