Batteries à l’état solide : le nouvel objectif de l’électrification ?
09/03/2022 – Blog, Tout sur les batteries au lithium
Le secteur des batteries au lithium connaît une évolution constante, une véritable recherche quotidienne tournée vers le développement de technologies toujours plus performantes et innovantes, pouvant assurer une autonomie et une puissance accrues ainsi que des temps de charge toujours plus courts.
La technologie des batteries à l’état solide semble être le dernier objectif technologique en ce sens, une solution en phase d’élaboration qui possède tous les atouts pour devenir l’avenir de la mobilité électrique.
Les auditeurs de Battery Weekly, la chronique hebdomadaire en direct sur les chaînes LinkedIn et YouTube de Flash Battery où, tous les lundis à 18 h, nos experts Marco Righi, Alan Pastorelli et Daniel Invernizzi font le point sur les dernières nouveautés de l’univers de l’électrification et où la question des batteries à l’état solide est devenue l’un des sujets de discussion en vogue, le savent bien.
Mais quand il s’agit de batteries à l’état solide, nombre d’éléments différents doivent être pris en compte. Encore en phase d’étude, elles présentent des avantages très importants mais également de nombreuses limites qui retardent, à ce jour, leur entrée sur le marché. Clarifions tout cela.
Globalement, une batterie à l’état solide est une technologie de batterie qui utilise un électrolyte solide au lieu d’un électrolyte liquide qui, lui, constitue la base de la technologie lithium-ion.
Pour pouvoir parler des batteries à l’état solide de façon claire, il est donc important de prendre du recul et de comprendre dans les moindres détails le fonctionnement d’une batterie aux ions de lithium et ses principales différences par rapport à cette nouvelle technologie.
L’image ci-dessous représente la structure d’une cellule aux ions de lithium actuelle, la technologie qui est aujourd’hui utilisée dans la très grande majorité des véhicules électriques en circulation. Que pouvons-nous observer ?
[Fig.1]
Chaque cellule aux ions de lithium possède :
Dans une batterie actuelle aux ions de lithium, le séparateur joue uniquement le rôle d’isolant. Il est entièrement immergé dans l’électrolyte liquide qui submerge tout dans la cellule et devient le véritable intermédiaire grâce auquel les ions de lithium sont transportés entre la cathode et l’anode, où l’anode est composée d’une structure en graphite. Les ions de lithium se déplacent donc au moyen de l’électrolyte et viennent s’intercaler dans les structures cristallines des deux électrodes de l’anode et de la cathode (structures qui présentent des espaces vides à l’intérieur desquels les ions de lithium, qui sont de très petites particules, peuvent venir se placer).
La structure interne d’une cellule à l’état solide, quant à elle, est très différente étant donné que tous ses éléments sont solides. Si dans les batteries au lithium traditionnelles l’électrolyte est un liquide, les cellules à l’état solide sont composées :
[Fig.2]
La couche grise centrale est le séparateur à l’état solide qui, à lui seul, joue aussi bien le rôle de séparateur entre l’anode et la cathode que celui d’électrolyte. Il devient donc l’intermédiaire grâce auquel les ions se déplacent et possède également des propriétés d’isolant électrique et de séparateur mécanique entre l’anode et la cathode. Le fait de disposer de ce support solide et résistant permet de supprimer la structure en graphite sur la partie de l’anode et de faire en sorte que le lithium sous forme métallique s’accumule directement sur l’anode (il existe également des solutions semi-solides dans lesquelles l’électrolyte est fait de gel).
Comment la batterie à l’état solide fonctionne-t-elle ?
Lors de la charge de la cellule, les particules de lithium s’éloignent de la cathode, en passant par la structure des atomes qui composent le séparateur, pour ensuite se placer entre le séparateur et le contact électrique de l’anode, formant ainsi une couche solide composée de lithium pur. De cette façon, l’anode est uniquement composée des particules de lithium et est plus petite que l’anode de la technologie lithium-ion, qui contient la structure en graphite.
LA CHRONIQUE EN DIRECT TOUS LES LUNDIS À 18 HEURES SUR LES CHAÎNES LINKEDIN ET YOUTUBE DE FLASH BATTERY POUR FAIRE LE POINT SUR LES DERNIÈRES TENDANCES EN MATIÈRE D’ÉLECTRIFICATION.
Sur le papier, les batteries à l’état solide promettent de nombreuses améliorations par rapport aux batteries actuellement disponibles sur le marché ; en effet, l’électrolyte solide semble pouvoir offrir une densité énergétique supérieure, une longue durée de vie et une sécurité accrue, le tout dans un volume réduit.
Mais il est important de ne pas oublier que cette technologie est encore en phase de développement et qu’à ce jour, les batteries aux ions de lithium restent la technologie la plus performante du marché. En effet, elles disposent de nombre de formules chimiques, chacune étant adaptée à différents objectifs, qui sont immédiatement disponibles et produites à grande échelle.
Néanmoins, examinons de plus près les avantages offerts par les batteries à l’état solide :
Les batteries à l’état solide ne possèdent pas d’électrolyte liquide. Dans les batteries lithium-ion, celui-ci représente l’un des composants les plus exigeants du point de vue de la sécurité car il est volatil et donc plus facilement inflammable. Il est remplacé par une couche de séparateur plus épaisse, composée d’un matériau mécaniquement plus résistant à haute température (car il contient de la céramique présentant différents additifs) ; cela rend la séparation entre l’anode et la cathode plus fiable, au point de prévenir l’apparition de courts-circuits, y compris en cas de sollicitation excessive ou de détérioration, ce qui augmente la sécurité intrinsèque des cellules.
Bien entendu, les batteries aux ions de lithium ne présentent pas toutes le même niveau de sécurité. Nous avons abordé ce sujet dans l’article « Risques du lithium : pouvez-vous vraiment faire confiance à une batterie au lithium ? »
La résistance accrue aux dendrites, c’est-à-dire aux accumulations irrégulières et aiguisées de lithium qui se forment lors du transfert de la cathode à l’anode, représente un autre avantage en termes de sécurité. En effet, le lithium ne se déplace pas de façon régulière mais a tendance à se regrouper et à créer des pointes qui, comme de véritables aiguilles, grandissent et, dans les cas extrêmes, peuvent percer le séparateur. Grâce à son épaisseur, le séparateur solide est quant à lui plus résistant à la pénétration des dendrites et empêche ainsi l’apparition des courts-circuits et la détérioration progressive de la cellule.
[Fig.3]
La sécurité intrinsèque accrue mène à une autre amélioration importante : l’utilisation d’une anode purement métallique contribue à une forte augmentation de la densité énergétique. Cela est principalement dû à la disparition de l’anode en graphite (qui, dans les batteries aux ions de lithium, va contenir les ions lors de leur déplacement). Dans une batterie à l’état solide, au moment du transfert, seuls les ions demeurent et une partie de composé volumineux et lourd qui n’intervient pas activement dans la production d’énergie est éliminée.
À en croire les dernières études, les batteries à l’état solide présenteraient une densité énergétique 2 à 2,5 fois supérieure par rapport à la technologie actuelle aux ions de lithium et cet avantage majeur se traduirait par une légèreté accrue et une plus petite taille. Sans aucun doute un tournant pour la mobilité électrique, qui bénéficierait d’une plus grande autonomie et d’un poids réduit, mais n’oublions pas que cette donnée ne pourra être confirmée que lorsque cette technologie sera officiellement prête.
Les dernières études indiquent que les batteries à l’état solide seraient en mesure de se recharger jusqu’à six fois plus vite que les technologies actuellement disponibles sur le marché. Mais cette donnée est également incertaine pour le moment et dépendra de la façon dont cette nouvelle technologie sera mise au point. Il existe déjà des prototypes de batteries à l’état solide qui se rechargent très vite, mais au détriment d’autres éléments déterminants pour obtenir de bonnes performances. Il faudra mettre cet avantage sur la balance aux côtés d’autres caractéristiques essentielles que ces batteries devront présenter. C’est seulement à ce moment-là que l’on pourra déterminer la meilleure alternative, y compris en termes de coût.
À ce jour, le fait est que les électrolytes liquides ont tendance à souffrir à haute température, contrairement aux électrolytes solides qui, eux, deviennent plus performants à haute température. Cela favoriserait leurs performances pendant la charge rapide, une phase de travail durant laquelle la température augmente beaucoup en règle générale.
Certains affirment qu’un électrolyte à l’état solide, n’étant pas liquide, pourrait permettre d’obtenir un processus de production plus simple et rapide, en utilisant moins de matière et d’énergie ; mais cette théorie également, bien que compréhensible, ne peut pas encore être démontrée et ne pourra l’être que lorsque cette technologie sera véritablement produite à grande échelle.
Néanmoins, nous pouvons affirmer qu’aujourd’hui, le remplissage de la cellule avec l’électrolyte est un processus chronophage : la cellule doit être assemblée vide et doit présenter un trou par lequel il est possible, dans un deuxième temps, d’ajouter l’électrolyte. Ensuite, il faut attendre que l’électrolyte soit complètement absorbé avant de faire un appoint pour que le niveau adéquat soit atteint et, enfin, sceller la cellule. Il s’agit donc bien sûr d’une étape impactante du processus de production. L’état solide pourrait potentiellement apporter une réelle amélioration, mais pour tirer les bonnes conclusions, attendons une véritable production de cellules de ce type.
Comme nous l’avons vu, les batteries à l’état solide à venir prochainement seront peut-être en mesure d’apporter des avantages considérables qui augmenteront les performances et l’efficacité des équipements et révolutionneront le secteur de l’électrification de l’industrie automobile. Mais l’arrivée des batteries à l’état solide sur le marché semblait imminente il y a quelques années déjà et, pourtant, le tournant n’a toujours pas eu lieu. Comment cela se fait-il ?
Bien que les avantages soient nombreux, certaines limites imposées par la jeunesse de cette technologie, pas encore tout à fait au point et en constante évolution, existent également. C’est pour cela que nous pouvons faire référence à ces limites comme à de véritables défis à relever et de nouveaux grands objectifs à atteindre. Découvrons-les ensemble.
Pendant la charge et la décharge, on dirait que la cellule à l’état solide respire. L’épaisseur de l’anode en lithium-métal augmente lors de la charge et diminue pendant la décharge, ce qui, à long terme, entraîne une détérioration, comme c’est le cas pour tous les éléments instables. Le problème principal provient de la difficulté à maintenir les cellules à l’état solide à la fois fixes et compressées.
Une cellule est maintenue compressée pour que les couches internes ne se détachent pas, mais la placer dans une structure de contention n’est pas suffisant, car elle aura constamment besoin de « respirer ». Il est donc nécessaire de créer une structure mécanique complexe : dans les prototypes de batteries à l’état solide aux dimensions réduites, des plaques à ressorts qui compressent le tout sont installées, mais il s’agit d’un système complexe et onéreux, qui ne peut pas être reproduit à grande échelle.
Étant donné sa composition, il n’est pas possible d’empêcher le gonflement d’une cellule à l’état solide ; néanmoins, la recherche peut se concentrer sur une façon de la rendre moins exigeante du point de vue de la pression (pour que la cellule reste stable par elle-même, sans avoir besoin de toute cette pression mais seulement d’un éventuel remplissage) ou sur l’étude de matériaux de pointe qui parviendront à permettre l’expansion de la cellule tout en la maintenant bien fixe et compressée.
Les ions sont une matière, des atomes, il est donc évident qu’ils se déplacent plus facilement dans un liquide. Un solide (séparateur en céramique) devra présenter une composition particulière afin de pouvoir permettre un transfert simple des ions.
Il existe déjà des séparateurs performants en ce sens, mais seulement à haute température, car les électrodes solides deviennent de bons conducteurs uniquement lorsque la température dépasse les 50 °C. Cette limite rend la technologie à l’état solide encore difficilement applicable à de véritables utilisations dans des véhicules, car il n’est pas possible de partir du principe que la température de la batterie sera élevée en permanence. À ce jour, quand la température de la batterie n’est pas élevée, les performances de cette dernière diminuent de façon drastique. Il faudra faire en sorte que l’électrolyte solide fournisse de bonnes performances à des températures toujours plus basses.
Les cycles de vie des batteries à l’état solide actuellement en phase de test sont encore inférieurs à ceux d’autres technologies lithium-ion, comme par exemple la formule chimique LFP qui dépasse aisément les 4 000 cycles de charge.
Le principal problème provient du fait qu’il est très difficile d’assurer un bon contact entre toutes les couches de la cellule. Quand une perte de contact survient entre les couches, la capacité et les performances de la cellule diminuent.
À ce jour, le coût d’une batterie à l’état solide est très élevé car il s’agit d’une technologie extrêmement innovante ; par conséquent, les matériaux et les processus de production sont tels que les coûts sont inévitablement plus élevés que ceux des batteries de production de masse. Nous ne savons pas encore quel sera le coût final de cette technologie, mais nous pouvons tout à fait supposer que, si les grands constructeurs automobiles investissent en ce sens, ils disposeront d’éléments suffisants pour considérer que le coût s’adapte également à une production à grande échelle.
Bien qu’il faille encore résoudre quelques problèmes sur les batteries à l’état solide, leur arrivée sur le marché est désormais certaine et elles devraient être largement utilisées dans tous les secteurs où, à ce jour, la densité énergétique représente une limite car l’espace n’est pas suffisant pour stocker toute l’énergie dont nous avons besoin. En effet, les batteries à l’état solide, qui présentent une densité énergétique deux fois plus importante, permettront de doubler l’autonomie et apparaissent désormais comme l’avenir du marché automobile et, de manière plus générale, de la mobilité toute entière.
Même le secteur des machines industrielles et des véhicules électriques observe avec intérêt cette nouvelle technologie : c’est le cas des machines très énergivores ou des équipements lourds, qui nécessitent souvent une grande autonomie et où, à ce jour, le volume est limité par rapport à la quantité d’énergie qui pourrait être utilisée.
L’introduction d’une technologie de batteries à l’état solide pourrait sans aucun doute être utile pour élargir davantage la catégorie des équipements électrifiables. Ainsi, si en plus de présenter une grande densité énergétique les cellules à l’état solide devenaient compétitives à tous niveaux, elles pourraient constituer une solution intéressante, y compris pour l’avenir de l’électrification industrielle.
« Il y a de bonnes prémisses et attentes concernant le développement des batteries à l’état solide. Une fois améliorées, elles pourraient jouer un rôle essentiel dans la progression de l’électrification, y compris dans les secteurs les plus exigeants qui, pour le moment, ne peuvent pas encore abandonner les énergies fossiles en raison de limites de densité énergétique. Notre service de recherche et développement observe évidemment avec intérêt cette nouvelle technologie, mais il est important de ne pas oublier que l’innovation est un concept en constante évolution qui ne doit pas être suivi mais anticipé. Chez Flash Battery, nous testons et étudions chaque jour de nouveaux matériaux et des techniques toujours plus axées sur l’efficacité et sur la durabilité avec l’objectif d’étendre encore davantage l’électrification industrielle et de permettre aux secteurs les plus diversifiés d’y avoir accès. »
La batterie à l’état solide, ce n’est pas de la science-fiction ! En effet, elle est déjà utilisée dans de petites applications, comme par exemple certaines batteries grand public ou certains véhicules, comme les bus, conçus pour une utilisation intensive et dans lesquels la batterie est utilisée en continu pendant toute la journée. Lorsque sa température est élevée en permanence, elle fonctionne sans trop de problèmes.
L’état solide est donc déjà utilisé à faible échelle dans :
Les 50 voitures E70 dotées de batteries à l’état semi-solide récemment mises sur le marché par l’entreprise chinoise Dongfeng Motor Corporation en sont un exemple concret : c’est une sorte de prémisse technologique. Il semblerait que les batteries à l’état semi-solide aient démontré d’excellentes propriétés électrochimiques au moyen d’une série de tests de simulation.
Comment se comporteront-elles à long terme ? Il ne fait aucun doute que les yeux de l’ensemble de l’industrie automobile sont braqués sur le constructeur automobile chinois. Nous verrons bien l’évolution de tout cela. Ce pourrait aussi être uniquement un très bon coup de marketing pour promouvoir la marque et l’associer à cette nouvelle technologie avant les autres, mais rien ne dit que l’entreprise parviendra à une production de masse.
Ce qui est certain, c’est que les batteries à l’état solide destinées à une utilisation dans le domaine automobile se trouvent toujours à un stade expérimental. Elles doivent encore faire face à de grands défis qui, aujourd’hui, en limitent la production de masse. Néanmoins, beaucoup de constructeurs automobiles sont intéressés par cette technologie prometteuse comme Mercedes, Volkswagen, Toyota et bien d’autres, qui investissent des ressources considérables pour l’étudier et la développer. Ce seront les premiers à disposer des premières technologies définitives, qui devraient arriver sur le marché entre 2024 et 2026, à condition de trouver des solutions aux limites actuelles.
LA CHRONIQUE EN DIRECT TOUS LES LUNDIS À 18 HEURES SUR LES CHAÎNES LINKEDIN ET YOUTUBE DE FLASH BATTERY POUR FAIRE LE POINT SUR LES DERNIÈRES TENDANCES EN MATIÈRE D’ÉLECTRIFICATION.
Source Fig. 1: image inspirée de la vidéo de QuantumScape « What are Solid-State Lithium-Metal Batteries? » https://youtu.be/azACL3lLMo8
Source Fig. 2: image inspirée de la vidéo de QuantumScape « What are Solid-State Lithium-Metal Batteries? » https://youtu.be/azACL3lLMo8
Source Fig. 3: image extraite de l’article « Source of Detrimental Dendrite Growth in Lithium Batteries discovered » – MSE Supplies https://www.msesupplies.com/blogs/news/source-of-detrimental-dendrite-growth-in-lithium-batteries-discovered